Troubles de la mémoire, désorganisation du langage, gestes quotidiens qui échappent : la maladie d'Alzheimer bouleverse l'équilibre d'une vie. D'abord l'hippocampe, puis l'ensemble du cerveau. Au cœur du processus, deux coupables : le peptide bêta-amyloïde et la protéine tau. Leur accumulation, invisible pendant des années, finit par altérer durablement la communication entre les neurones.
En France, près de 1,4 million de personnes vivent avec Alzheimer. À l'échelle mondiale : 55 millions de malades, et une progression annoncée. Face à cet enjeu, la question du traitement reste brûlante. Pas de guérison, mais une course pour ralentir la perte d'autonomie, préserver ce qui peut l'être. Dans cet article, nous vous expliquons les pistes actuelles pour ralentir la perte d'autonomie et préserver ce qui peut encore l'être.
Médicaments actuels : freiner les symptômes, pas la maladie
Depuis plus de vingt ans, les traitements disponibles n'agissent que sur les manifestations de la maladie. Quatre molécules, bien connues des neurologues et gériatres :
- Donépézil (Aricept®)
- Rivastigmine (Exelon®)
- Galantamine (Reminyl®)
- Mémantine (Ebixa®)
Leur mode d'action : moduler la transmission des signaux nerveux, en augmentant la disponibilité de l'acétylcholine ou en régulant le glutamate. Effet ? Amélioration modérée pour certains : mémoire, attention, langage, raisonnement, autonomie. Mais le bénéfice reste temporaire, jusqu'à un certain stade.
La prescription est réservée à des spécialistes, avec une surveillance rapprochée. Les effets secondaires ? Digestifs, parfois cardiaques, interactions possibles avec d'autres traitements. Depuis 2018, leur remboursement est limité, la HAS estimant que le rapport bénéfice/risque reste modéré, mais la prescription est toujours possible sous contrôle médical.

Nouveaux traitements : des avancées mais une sélection stricte
Depuis 2024, un frémissement. Après deux décennies d'attente, l'Europe autorise enfin un traitement de fond : le Lecanemab (Leqembi®). Un anticorps monoclonal : il cible les plaques amyloïdes, cherchant à ralentir la maladie à la racine plutôt que de masquer les symptômes.
Données cliniques : ralentissement du déclin cognitif chez certains patients à un stade précoce (score MMSE au-dessus de 20 ou 22, preuve biologique des plaques amyloïdes). Mais la prudence reste de mise. Effets secondaires : anomalies détectées à l'IRM, parfois œdèmes ou micro-saignements cérébraux (ARIA), surveillance médicale obligatoire.
Autre piste : le Donanemab. Même mécanisme, même cible : anticorps injecté toutes les quatre semaines, conçu pour éliminer les plaques amyloïdes et réduire les lésions tau. Les résultats, prometteurs, montrent un ralentissement du déclin cognitif de 30 à 35 %. Effet plus marquant chez les moins de 75 ans. Mais là encore, la population éligible reste limitée, la surveillance lourde, et l'accès encore en discussion en France.
Des traitements réservés à une minorité, en début de maladie et sans contre-indication majeure. Pour la majorité, la prise en charge reste symptomatique et globale.
Interventions non médicamenteuses : le socle du ralentissement
Si les médicaments peinent à inverser le cours de la maladie, d'autres leviers s'imposent dans le quotidien. Ateliers mémoire, activités créatives, mobilisation cognitive, pratique artistique (musique, peinture, théâtre, danse) : autant d'outils pour entretenir les capacités préservées, redonner confiance, favoriser la relation.
La stimulation physique : gym douce, marche, tai-chi, relaxation. L'objectif : maintenir la mobilité, réduire l'anxiété, retarder la perte d'autonomie. D'autres disciplines, en complément : aromathérapie, jardinage, jeux de société, thérapie assistée par animaux.
La clé : adapter chaque activité aux goûts, à l'histoire, au rythme de la personne. Éviter toute forme d'infantilisation ou de contrainte. L'autonomie, même partielle, reste le fil conducteur.
Parcours de soins : une prise en charge évolutive et multidisciplinaire
Alzheimer ne se vit pas seul. Le parcours mobilise une multitude d'acteurs, adaptés à chaque stade de la maladie.
| Stade | Professionnels et dispositifs |
|---|---|
| Léger | Orthophonistes : stratégies de compensation, communication (prise en charge 100 %), équipes spécialisées Alzheimer (ESA) : accompagnement à domicile (15 séances/an, prise en charge 100 %), programmes d'éducation thérapeutique, hôpitaux de jour (rééducation, répit aidant) |
| Modéré | Infirmiers, SSIAD[2] : gestion des médicaments, soins quotidiensService d'aide à domicile, accueil de jour, gestionnaire de cas, unités cognitivo-comportementales (UCC) pour troubles du comportement |
| Sévère | EHPAD avec unités spécialisées (PASA, UHR), USLD[5][4][3], accueil familial, hospitalisation à domicile (HAD), soins palliatifs[6] |
Un point essentiel : le soutien des aidants. France Alzheimer, réseau de bénévoles, propose conseils, ateliers, relais et soutien psychologique. Dans la durée, l'entourage doit pouvoir compter sur des relais professionnels et des dispositifs d'accompagnement adaptés.
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Prévention : mode de vie, réserve cognitive et facteurs de risque
Retarder l'apparition, limiter l'intensité des symptômes : c'est possible en agissant tôt. À ce jour, l'âge reste le principal facteur de risque. Mais d'autres éléments pèsent dans la balance : activité physique régulière, alimentation équilibrée (régime MIND), contrôle du poids, tension, glycémie, cholestérol.
Vie sociale active, curiosité intellectuelle, engagement professionnel stimulant : la réserve cognitive protège, retarde les premiers signes. À l'inverse, sédentarité, isolement, faible niveau de scolarité ou facteurs cardiovasculaires augmentent le risque.
Des gestes simples, parfois décisifs : marcher, lire, cuisiner, écouter de la musique, jardiner. Le quotidien comme rempart, aussi modeste soit-il.
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FAQ pratique : ralentir Alzheimer au quotidien
Quels patients peuvent bénéficier des nouveaux traitements ?
Seuls les patients avec une maladie d'Alzheimer à un stade léger à modéré, confirmée par des biomarqueurs amyloïdes, et sans contre-indication à l'IRM ou aux immunothérapies, sont éligibles aux anticorps monoclonaux. On estime que 8 à 12 % des malades en France remplissent ces critères.
Les médicaments symptomatiques ont-ils encore une place ?
Ils peuvent améliorer temporairement certaines fonctions cognitives ou comportementales, surtout au début. Leur prescription dépend d'une évaluation médicale stricte, en tenant compte des effets indésirables.
Que faire au quotidien pour ralentir la maladie ?
- Maintenir une activité physique, même légère
- Participer à des ateliers cognitifs, artistiques ou sensoriels
- Entretenir la vie sociale, adapter les activités aux envies du malade
- Surveiller les facteurs de risque cardiovasculaire
- Solliciter l'aide de professionnels et de structures de répit pour les aidants
Où trouver ressources et soutien ?
France Alzheimer, la Fondation Vaincre Alzheimer, les maisons des aidants, les hôpitaux de jour : autant de relais, d'ateliers et de conseils pour structurer le parcours de soins et ne pas rester isolé.
Perspectives : entre espoir, prudence et exigence de personnalisation
L'arrivée de traitements de fond, même réservés à une minorité, marque une étape. Mais la réalité du terrain reste celle d'une prise en charge globale, qui conjugue médicaments, interventions non médicamenteuses, soutien psychologique et accompagnement social.
Ralentir Alzheimer, aujourd'hui ? Pas de miracle. Une lutte sur plusieurs fronts, où chaque geste compte. Et un impératif : ne jamais oublier la singularité, l'histoire, les désirs de la personne derrière le diagnostic.






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