Dénutrition sévère : prise en charge à domicile ou en EHPAD ? Ce que les familles doivent savoir avant que l’état ne s’aggrave

Dénutrition sévère : prise en charge à domicile ou en EHPAD ? Ce que les familles doivent savoir avant que l’état ne s’aggrave
EHPAD Alzheimer

Fatigue qui s'installe. Appétit qui disparaît, silhouette qui s'efface. La dénutrition[1] ne se manifeste jamais brutalement. Elle s'infiltre dans la vie quotidienne des personnes âgées, parfois à domicile, parfois en structure. Pour les familles, chaque jour compte : repérer, comprendre, agir, avant que l'état ne bascule vers la dépendance ou l'hospitalisation.

À quoi faut-il veiller, quels signaux guetter, comment choisir entre maintien à domicile[2] et EHPAD ? Éclairage technique et pratique, sans détour.

Comprendre la dénutrition[1] sévère : au-delà de la simple perte de poids

Le terme impressionne peu, pourtant ses conséquences s'avèrent souvent dramatiques. La dénutrition[1] sévère se définit par une perte de poids rapide et importante (au moins 10 % du poids initial en un mois, 15 % sur six mois), un IMC tombant sous le seuil de 18, ou un taux d'albumine sanguine inférieur à 30 g/l. Des critères précis, validés en gériatrie[4]. Derrière ces chiffres, une réalité : l'organisme, privé d'apports suffisants, puise dans ses réserves. Muscles fondent, immunité s'effondre, état général se dégrade.

Chez les personnes âgées vivant en institution, la dénutrition[1] touche entre 15 et 38 % des résidents, un chiffre qui bondit à l'hôpital (jusqu'à 70 % selon les services). À domicile, le phénomène se fait plus discret mais reste préoccupant : 4 à 10 % des seniors concernés, et souvent sous-évalués.

Signes d'alerte et repérage : vigilance du quotidien

Impossible de compter sur la seule balance. Les premiers signaux se nichent dans le comportement alimentaire, la lassitude à table, la disparition des envies. Un vêtement devenu trop ample, une alliance qui glisse du doigt, une force musculaire qui s'amenuise lors des transferts. Parfois, ce sont des chutes, une fatigue nouvelle, l'apparition d'une confusion. Autant d'alertes qui imposent, sans délai, un dépistage.

  • Perte de poids récente ou inexpliquée (plus de 2 à 3 kg sur quelques semaines)
  • Diminution de l'appétit, refus ou oubli des repas
  • Affaiblissement musculaire, difficulté à se lever, marcher
  • Changements d'humeur, apathie, fatigue inhabituelle
  • Cheveux ternes, visage creusé, ralentissement général

Des questionnaires spécifiques, tels que le MNA® (Mini Nutritional Assessment) ou le PARAD, permettent d'affiner le diagnostic. Le médecin traitant reste la clé du dépistage, avec le suivi du poids et l'évaluation de l'état nutritionnel lors des consultations.

LIRE AUSSI : 12 signes d’alerte de dénutrition chez un senior[1]

Senior qui a une diminution d'appétit

Pourquoi la dénutrition[1] s'installe-t-elle ? Les facteurs à surveiller

La vieillesse, seule, n'explique rien. Plusieurs mécanismes s'additionnent et se renforcent :

  • Problèmes bucco-dentaires, troubles de la déglutition, digestion plus lente
  • Maladies chroniques, douleurs, infections aiguës
  • Polymédication : certains médicaments coupent l'appétit ou modifient le goût
  • Isolement social, deuil, dépression[5], perte de repères après un déménagement ou une hospitalisation
  • Difficultés financières, courses ou préparation des repas devenues impossibles sans aide
  • Régimes inadaptés, restrictions alimentaires trop strictes

L'accumulation de ces facteurs majore le risque, surtout chez les plus fragiles. L'activité physique diminue, l'appétit suit la même pente. Les proches, souvent, sous-estiment l'importance de ces changements.

À domicile : prévenir, accompagner, renforcer le quotidien

La prise en charge à domicile repose sur un objectif simple : maintenir ou restaurer un état nutritionnel satisfaisant sans rompre avec les habitudes de vie. Cela passe par une organisation concrète, impliquant plusieurs acteurs :

  • Suivi médical rapproché : pesée régulière, contrôle des apports alimentaires, adaptation des traitements
  • Enrichissement de l'alimentation : lait concentré, crème, fromage râpé, œufs, huile ajoutée, produits hyperprotéinés
  • Multiplication des prises alimentaires : collations riches en énergie et protéines entre les repas principaux
  • Portage de repas adaptés, en lien avec les CCAS[6], associations ou entreprises spécialisées
  • Mise en place d'aides humaines ou techniques pour courses, préparation, installation à table
  • Prise en charge des troubles associés (bucco-dentaires, déglutition, digestifs) avec les professionnels compétents
  • Ambiance conviviale : repas partagés, environnement agréable

L'APA (Allocation personnalisée d'autonomie) finance, en partie, ces aides. Les caisses de retraite proposent parfois des prestations complémentaires (portage, ateliers nutrition, accompagnement social). Les familles peuvent s'appuyer sur les points d'information locaux (CCAS[6], CLIC[7], services sociaux) pour orienter et coordonner ces dispositifs.

LIRE AUSSI : Comment aider une personne âgée qui refuse de manger ?

Quand l'entrée en EHPAD devient nécessaire

Si la dénutrition[1] s'aggrave ou si l'autonomie s'effondre, le maintien à domicile[2] n'est plus toujours possible. Les EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) offrent alors une prise en charge globale, sous la responsabilité du médecin coordinateur. L'équipe adapte les repas, surveille l'évolution du poids, propose des activités pour rompre l'isolement.

Ce cadre permet :

  • Enrichissement alimentaire systématique, selon les besoins
  • Surveillance médicale rapprochée, pesées hebdomadaires
  • Prise en compte des troubles associés (bucco-dentaires, déglutition, maladies chroniques)
  • Organisation d'ateliers nutrition, stimulation de l'appétit
  • Accès à la nutrition entérale (sonde) si la voie orale ne suffit pas

Le choix de l'établissement, son taux d'encadrement, la qualité de la restauration, l'accompagnement proposé, tout cela se compare. Des annuaires officiels, des comparateurs de tarifs et de prestations existent : mieux vaut les consulter avant toute décision.

LIRE AUSSI : Guide pratique pour entrer en EHPAD : toutes les réponses sur l’âge, le dossier, les délais, les aides et les conditions

Stratégies nutritionnelles : de l'enrichissement à la nutrition artificielle

L'objectif demeure constant : couvrir les besoins énergétiques et protéiques au plus près. Les recommandations :

  • 30 à 40 kcal par kilo de poids et par jour
  • 1,2 à 1,5 g de protéines par kilo et par jour

La priorité : la voie orale. Conseils nutritionnels, adaptation des textures si besoin, enrichissement des plats, compléments nutritionnels oraux (CNO) prescrits par le médecin ou le diététicien. En cas d'échec, la nutrition entérale (sonde nasogastrique ou gastrostomie) s'envisage, à l'hôpital puis éventuellement à domicile, sous contrôle médical strict. La nutrition parentérale (par perfusion) reste exceptionnelle, réservée à des situations d'impasse digestive.

Suivi, réévaluation, coordination : la clé de la réussite

Rien de figé dans la prise en charge. Le suivi s'organise autour de :

  • Pesée hebdomadaire, carnet de suivi du poids
  • Estimation régulière des apports alimentaires
  • Surveillance biologique (albumine, paramètres inflammatoires)
  • Réévaluation des traitements, de la prise alimentaire, de la tolérance des compléments

La coordination entre le médecin traitant, l'infirmière, le pharmacien, la diététicienne, les aidants familiaux ou professionnels, garantit la réactivité face à l'évolution de la situation. Les familles, elles, restent le premier maillon de la veille.

Senior qui fait sa pesée hébdomadaire

Situations particulières : fin de vie[8], Alzheimer, troubles spécifiques

La prise en charge ne se résume pas à la renutrition à tout prix. En fin de vie[8], la priorité bascule vers le confort, le plaisir, la gestion des symptômes. Dans le cas de la maladie d'Alzheimer, l'alimentation orale demeure privilégiée tant que possible ; la nutrition entérale n'a pas démontré de bénéfice sur la qualité de vie aux stades très évolués.

Troubles de la déglutition ? On adapte les textures, on préserve la possibilité de manger par la bouche, on recourt à la sonde uniquement si nécessaire et sur une durée limitée. Autre contexte : la convalescence après une chute, une fracture du col fémoral, impose un soutien nutritionnel renforcé, souvent avec des compléments.

Repères pratiques pour les familles : que faire, qui solliciter, où s'informer ?

  • Peser régulièrement le proche à risque, surveiller la courbe pondérale
  • Guetter la perte d'appétit, le désintérêt pour la nourriture, la fatigue, les chutes
  • En cas de doute, consulter sans tarder le médecin traitant
  • Mobiliser les dispositifs d'aide à domicile[9] (APA, portage de repas, aide-ménagère, SSIAD[10], SPASAD, SAAD)
  • Prendre contact avec les services sociaux, les caisses de retraite, les points d'information locaux pour connaître les droits et les aides
  • Utiliser les ressources en ligne (pourbienvieillir.fr, mangerbouger.fr, ameli.fr, collectifs de lutte contre la dénutrition[1]) pour s'informer et trouver des contacts
  • Comparer les EHPAD via les annuaires officiels, demander le taux d'encadrement, la politique nutritionnelle de l'établissement

FAQ : la dénutrition[1] chez la personne âgée

Quels sont les signes les plus précoces de dénutrition[1] ?

La perte de poids involontaire, l'appétit en berne, l'épuisement, les difficultés à accomplir des gestes quotidiens. Un senior qui saute des repas ou qui mange moins que d'habitude doit être surveillé de près.

Comment enrichir l'alimentation au quotidien ?

Ajouter des matières grasses (beurre, crème), des poudres de lait, du fromage râpé dans les plats. Prévoir des collations sucrées ou salées entre les repas. Privilégier les aliments riches en énergie et protéines, adapter la texture en cas de difficultés à mâcher ou à avaler.

Quand faut-il envisager l'entrée en EHPAD ?

Quand la situation à domicile devient ingérable malgré les aides : aggravation de la dénutrition[1], perte d'autonomie majeure, isolement trop important, nécessité d'une surveillance médicale rapprochée.

Les compléments nutritionnels oraux sont-ils efficaces ?

Oui, s'ils sont prescrits et adaptés au goût et aux besoins. Ils viennent en complément des repas, jamais en remplacement. Leur efficacité dépend de l'observance et du suivi médical.

Où trouver de l'aide pour organiser le portage de repas ou l'aide à domicile[9] ?

Les CCAS[6] (centres communaux d'action sociale), les caisses de retraite, les services sociaux départementaux, les associations spécialisées. Les médecins traitants peuvent orienter vers les bons interlocuteurs.

Pour aller plus loin

  • Pour Bien Vieillir : dossiers, ateliers, conseils pratiques
  • Manger Bouger : repères nutritionnels, recettes adaptées
  • Ameli.fr : droits, aides, dispositifs de prévention
  • Collectif de lutte contre la dénutrition[1] : campagnes, ressources pour les aidants

La dénutrition[1] sévère, chez les personnes âgées, reste trop souvent invisible jusqu'à l'accident. Or, chaque kilo perdu, chaque repas sauté, chaque lassitude inexpliquée doit alerter. Familles, soignants, professionnels du domicile ou de l'EHPAD : la vigilance, le dialogue et l'action rapide font toute la différence. Prévenir vaut mieux que subir. Et la qualité de vie, jusqu'au bout, reste possible.

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