Régler une succession est souvent source de tensions. Quand l’un des héritiers est affaibli par l’âge, la maladie ou l’incapacité d’agir seul, la situation peut vite virer à l’impasse. Qui signe les documents ? Comment avancer sans bloquer le partage de l’héritage ? L’habilitation familiale est une solution qui peut aider. Peu connue, cette mesure permet à un proche de représenter légalement un parent ou un conjoint vulnérable. Dans le cadre d’une succession, elle offre un moyen plus simple et plus rapide de gérer les décisions, tout en réduisant les risques de conflit entre héritiers.
Quelles sont les spécificités de l’habilitation familiale ?
Avant de comprendre son utilité dans une succession, il est essentiel de savoir en quoi consiste l’habilitation familiale.
Qu’est-ce que l’habilitation familiale
L’habilitation familiale est une mesure de protection juridique encadrée par l’article 494-1 du Code civil. Elle permet, à un membre de la famille exclusivement, d’être désigné par le juge pour représenter une personne qui n’est plus en mesure d’exprimer seule sa volonté ou de gérer ses affaires.
Les personnes qui peuvent agir au nom du majeur protégé sont :
- le conjoint, concubin ou partenaire de Pacs ;
- les enfants et les petits-enfants ;
- les parents et les grands-parents ;
- les frères et sœurs.
Si aucun de ces membres n’est en mesure d’assumer ce rôle, il peut-être envisagé de placer le senior sous tutelle[3] ou curatelle[4].
À quoi sert l’habilitation familiale ?
Ce dispositif est conçu pour protéger les intérêts de la personne vulnérable sans alourdir les démarches. Il permet :
- de gérer ses affaires courantes (banque, contrats, logement) ;
- de la représenter dans des actes plus importants (succession, vente d’un bien, donations),
- d’assurer une continuité dans la prise de décision tout en respectant ses droits.
Dans le cadre d’une succession, il est particulièrement utile car il évite que la situation ne soit bloquée à cause de l’incapacité de l’héritier.

Les différences entre l’habilitation familiale et la tutelle[3] ou la curatelle[4]
Avec l’habilitation familiale, un proche peut s’occuper des démarches à la place de la personne fragile, sans passer par une tutelle ou une curatelle[4][3] plus lourde.
L’habilitation est privilégiée quand la famille est d’accord et qu’il n’y a pas de tensions. Les principales différences avec les autres mesures de protections judiciaires sont :
- l’absence de comptes annuels à rendre au juge ;
- seuls les membres de la famille peuvent être désignés par le juge ;
- l’habilitation familiale peut être générale (tous les actes de la vie civile) ou limitée à certains actes précis.
Quel est le rôle de l’habilitation familiale dans la succession ?
Lorsqu’un héritier est placé sous habilitation familiale, la question se pose immédiatement : qui décide à sa place dans le cadre de la succession, et avec quelles limites ? Le proche habilité dispose d’un pouvoir de représentation, mais ses décisions restent encadrées par la loi et, parfois, par le juge.
Est-ce que l’habilitation familiale donne un pouvoir sur l’héritage ?
Être habilité ne signifie pas avoir carte blanche sur l’héritage. La personne habilitée ne devient pas propriétaire des biens et ne peut pas décider librement de ce qu’elle souhaite faire avec l’héritage. Son rôle consiste à représenter le proche vulnérable pour :
- accepter ou renoncer à une succession ;
- gérer les biens hérités ;
- participer au partage successoral ;
toujours dans le respect des droits de la personne protégée et, si nécessaire, avec l’autorisation du juge.
Voici les différentes formes d’acceptation ou de renonciation de la succession
Lorsqu’une succession s’ouvre, trois options légales existent. La personne habilitée agit selon le type d’habilitation (représentation ou assistance) et selon les démarches encadrées par le juge.
L’acceptation pure et simple de la succession
L’acceptation pure et simple implique que la succession est reçue en totalité, avec l’ensemble des biens et des dettes.
La personne habilitée doit remplir et envoyer une demande d'acceptation pure et simple de la succession au juge des contentieux de la protection.
L’acceptation peut être :
- expresse, par acte écrit sous signature privée ou authentique chez un notaire ;
- tacite, certains actes comme la vente d’un objet qui appartient à la succession, entraîne une acceptation automatique de cette dernière.
Qu’est-ce que l’acceptation à concurrence de l’actif net ?
Cette option limite la responsabilité de l’héritier aux biens reçus. Autrement dit, les dettes ne dépassent pas la valeur de l’actif hérité.
La personne habilitée doit déposer une déclaration d’acceptation à concurrence de l’actif net. Si la succession est ouverte après octobre 2017, elle peut être adressée soit au greffe du tribunal du dernier domicile du défunt, soit au notaire chargé de la succession.
Lorsque ni l’acceptation pure et simple ni l’acceptation à concurrence de l’actif net ne sont adaptées, il reste la possibilité de renoncer à la succession
Qu’est-ce que la renonciation à une succession ?
Renoncer signifie abandonner tout droit sur la succession, par exemple lorsque le passif est trop élevé ou que la famille préfère ne pas s’engager.
Dans ce cas, l’autorisation du juge des contentieux de la protection est obligatoire pour les majeurs protégés. La personne habilitée doit effectuer une déclaration de renonciation au greffe ou chez le notaire. Cette procédure permet de sécuriser juridiquement l’acte et d’éviter toute contestation future.
Comment se passe le partage de la succession lorsque l’héritier est sous habilitation familiale ?
La personne habilitée représente la personne âgée dans le cadre du partage successoral et s'assure que ses droits sont respectés. Cela permet de ne pas bloquer toute la fratrie dans l’attente d’un accord impossible de la personne vulnérable.
Si des désaccords existent entre les héritiers, par exemple sur la vente d’un bien ou sur l’évaluation d’un patrimoine, l’habilitation familiale ne supprime pas les conflits. Dans ce cas, l’intervention du notaire ou du juge reste indispensable.

Comment gérer les biens hérités une fois la succession acceptée ?
Une fois la succession acceptée, le rôle du proche habilité ne s’arrête pas là. Il doit gérer les biens hérités avec transparence :
- dresser un inventaire précis ;
- conserver les biens en bon état ;
- percevoir et gérer les revenus éventuels ;
- régler les frais liés à ces biens.
Pour être accompagné dans la gestion de biens hérités ou obtenir des conseils personnalisés, vous pouvez solliciter votre notaire ou consulter des services publics en ligne comme le site d’Annuaire Retraite.
Procédure et conditions de l’habilitation familiale
L’habilitation familiale d’un résident en EHPAD[1] ou d’un proche à domicile, ne se met pas en place automatiquement. Elle suppose une demande formelle auprès du juge, avec des conditions précises et des justificatifs médicaux. Cette procédure garantit que la mesure est adaptée et légitime.
Qui peut demander l’habilitation familiale pour une personne âgée ?
Seuls certains membres proches de la famille peuvent demander une habilitation familiale tels que le conjoint, le partenaire de PACS, le concubin, les enfants, les petits-enfants ou encore les frères et sœurs. L’accord de la majorité de la famille est requis, afin d’éviter que la mesure ne devienne une source de conflit.
Depuis la loi du 23 mars 2019, la personne concernée elle-même peut demander la mise en place de l’habilitation familiale, tant qu’elle est en mesure d’exprimer sa volonté.
Quels documents doit-on fournir avec la demande d’habilitation familiale ?
La demande d’habilitation familiale se fait via le formulaire Cerfa n°15891 et doit être accompagnée d’un certificat médical circonstancié, rédigé par un médecin inscrit sur une liste établie par le tribunal. Ce document atteste que la personne concernée n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté.
D’autres pièces sont nécessaires à l’examen du dossier :
- copies des pièces d’identité et de l’acte de naissance de la personne à protéger ;
- justificatifs de liens familiaux ;
- éventuellement, documents relatifs au patrimoine.
Délais et coûts d’une habilitation familiale
La procédure peut prendre entre 3 et 6 mois selon les tribunaux. La demande d’habilitation familiale est gratuite. En revanche, le certificat médical circonstancié coûte 192 €. Des honoraires d’avocat peuvent s’ajouter si la famille souhaite être assistée.
Quels sont les actes autorisés par l’habilitation familiale ?
La personne habilitée peut réaliser :
- les actes courants tels que la gestion des comptes bancaires ou la perception des revenus ;
- les actes plus importants avec l’autorisation du juge tels que l’acceptation d’une succession ou la vente d’un bien immobilier.
La personne habilitée ne peut pas modifier le testament du senior, ni faire une donation en son nom ou changer son régime patrimonial.
Avantages et limites de l’habilitation familiale pour la gestion d’une succession
Comme toute mesure de protection, l’habilitation familiale présente des avantages, mais aussi des contraintes. Elle simplifie grandement les démarches, mais peut devenir source de tensions si la famille n’est pas unie.
Une simplification administrative
L’habilitation familiale évite le recours à une tutelle[3], plus lourde à mettre en place et à gérer. Elle permet à un seul représentant de signer au nom du proche vulnérable, ce qui accélère considérablement les démarches liées à la succession.
Les risques de conflits familiaux
Si plusieurs héritiers s’opposent à l’habilitation ou contestent la personne désignée, le processus peut devenir source de tensions. Le juge veille donc à s’assurer de l’accord majoritaire de la famille avant de valider la demande.
Comment sécuriser les décisions prises ?
Pour éviter toute contestation, il est conseillé de travailler en étroite collaboration avec un notaire, notamment lors de l’acceptation d’une succession ou de la vente d’un bien. Le juge peut également exiger une validation préalable pour les actes les plus importants.
Deux exemples de succession sous habilitation familiale
Pour mieux comprendre comment ce dispositif fonctionne concrètement, voici deux cas pratiques où l’habilitation familiale a permis de débloquer une succession et de protéger les intérêts d’un héritier vulnérable.
1 - Paul doit accepter une succession au nom de son père sous habilitation
Paul est habilité pour représenter son père, placé sous habilitation familiale. Lorsqu’une succession s’est ouverte, il a pu effectuer les démarches d’acceptation à concurrence de l’actif net directement auprès du notaire. Cette solution a évité de longues procédures et a protégé son père contre d’éventuelles dettes supérieures à l’héritage.
2 - Un partage successoral simplifié grâce à l’habilitation familiale
Plusieurs enfants doivent partager la maison héritée de leur mère. L’une des filles, habilitée pour représenter sa sœur vulnérable, a pu signer l’accord de partage en son nom. Grâce à l’habilitation familiale, la famille a évité une mise sous tutelle[3] et un recours judiciaire complexe, ce qui a simplifié et accéléré le règlement de la succession.
En résumé, l’habilitation familiale offre une voie plus simple et plus humaine pour gérer une succession lorsqu’un héritier n’est plus en capacité d’agir seul. Elle permet d’éviter les lourdeurs d’une tutelle[3], tout en sécurisant les décisions importantes grâce au contrôle du juge et à l’accompagnement du notaire. Bien utilisée, elle protège les droits de la personne vulnérable et facilite le règlement du patrimoine familial sans bloquer les autres héritiers.
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