Refuser de payer pour un parent en EHPAD : dans quels cas c’est légal et comment le prouver ?

Refuser de payer pour un parent en EHPAD dans quels cas c’est légal et comment le prouver
Droits et Aides

Refuser de payer pour un parent en EHPAD ne signifie pas forcément fuir ses responsabilités. Derrière cette phrase, se cachent parfois des histoires familiales lourdes, des injustices ou tout simplement de réelles contraintes financières. En France, la loi impose l’obligation alimentaire[1], le devoir d’aider ses ascendants dans le besoin, mais elle connaît aussi des limites, des exceptions et des recours. Cet article vous aide à y voir clair : quand le refus est légitime, quelles preuves préparer, et comment faire valoir vos droits lorsque vous n’avez pas les moyens de payer la maison de retraite de vos parents.

Dans quels cas c’est légal de refuser de payer pour un parent en EHPAD ?

Les articles 205 à 207 du Code civil instaurent l’obligation alimentaire[1] : les enfants doivent venir en aide à leurs parents dans le besoin, chacun selon ses moyens, y compris les frais d’hébergement en EHPAD. Mais cette solidarité familiale a ses limites.

Le parent a eu de graves manquements envers son enfant

L’article 207 du Code civil prévoit qu’un enfant peut être dégagé de l’obligation alimentaire[1] lorsque le parent a commis des « manquements graves » à ses obligations. Cela inclut notamment :

  • des faits de violences physiques ou morales ;
  • un abandon ou une absence totale d’entretien ;
  • un retrait du foyer familial pour cause de maltraitance ;
  • une déchéance de l’autorité parentale ;
  • ou des crimes commis contre l’autre parent ou l’enfant.

abandon par le parent en EHPAD justifiant l'exonération de l'oligation alimentaire

Le juge examine la réalité et la gravité de ces manquements. Les preuves peuvent être de nature variée telles que des jugements antérieurs, des attestations de tierces personnes, des certificats médicaux ou encore des rapports sociaux. S’il reconnaît les faits, il peut supprimer totalement l’obligation de paiement.

L’obligé alimentaire fait face à des difficultés financières 

Selon l’article 208 du Code civil, « les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit ». Concrètement, si les revenus de l’obligé alimentaire ne couvrent déjà pas ses dépenses essentielles (logement, enfants, santé, dettes…), le juge peut l’exempter totalement ou réduire sa participation.

Le tribunal tiendra compte :

  • de ses ressources réelles (revenus, aides, pensions, etc.) ;
  • de ses charges mensuelles ;
  • de sa situation personnelle (maladie, chômage, invalidité).

Le juge aura besoin du dernier avis d’imposition, des fiches de paie, des factures, des crédits, des justificatifs de loyers ou d’aides sociales.

LIRE AUSSI : Quelle est l’obligation alimentaire des enfants en présence de ressources insuffisantes pour leurs parents âgés ?[1]

L’obligé alimentaire a des problèmes de santé majeurs 

Si l’obligé alimentaire supporte des dépenses médicales ou d’accompagnement importantes, ou si votre état de santé réduit vos ressources, par exemple, dans le cas d’une invalidité ou d’un arrêt longue durée, le juge peut en tenir compte pour alléger ou supprimer votre contribution.

L’enfant a été retiré de son milieu familial 

Depuis l’article L.132-6 du Code de l’action sociale et des familles, un enfant retiré du foyer parental pendant au moins 36 mois avant ses 12 ans peut être exonéré de toute obligation alimentaire[1] envers ses parents biologiques.

C’est le cas notamment des enfants placés en famille d’accueil ou en foyer par décision judiciaire, souvent à la suite de violences, de carences ou de négligences graves.

Cette exonération n’est pas automatique. Il faut en faire la demande auprès du juge aux affaires familiales, preuves à l’appui telles que le jugement de placement, des attestations de l’Aide sociale à l’enfance ou encore la copie du dossier ASE.

Le parent en EHPAD a été déchu de son autorité parentale

Les articles 378 et 379 du Code civil stipulent qu’un parent déchu de son autorité parentale perd aussi le droit de réclamer une aide alimentaire à son enfant, sauf mention contraire du jugement.

Cette mesure intervient en cas de comportements gravement contraires à la sécurité, à la moralité ou à la santé de l’enfant tels que violences, crimes, abus, négligences graves.

Le cas particulier des pupilles de l’État et des enfants adoptés

Les pupilles de l’État, élevés par l’Aide sociale à l’enfance jusqu’à la fin de leur scolarité obligatoire, sont dispensés de toute obligation envers leurs parents biologiques (article L.228-1 du CASF).

En cas d’adoption plénière, le lien juridique avec les parents d’origine est totalement rompu : aucune obligation alimentaire[1] ne subsiste. En revanche, dans une adoption simple, l’enfant reste tenu envers ses parents biologiques, sauf si un autre motif d’exonération s’applique (retrait du milieu familial, manquements graves, etc.).

Les petits-enfants ne sont plus tenus à l’obligation alimentaire[1]

Depuis la loi « Bien vieillir » du 8 avril 2024, les petits-enfants ne peuvent plus être sollicités par le Département pour contribuer aux frais d’hébergement de leurs grands-parents lorsqu’une Aide sociale à l’hébergement (ASH) est demandée.

Jusqu’à cette réforme, les descendants de second degré pouvaient être appelés à participer, même partiellement, dans certaines situations de carence familiale.

Cette suppression vise à recentrer la solidarité sur les enfants directs, tout en maintenant la possibilité pour les départements de se tourner vers d’autres aides publiques.

Comment prouver que le refus de payer la maison de retraite est légitime ? 

Si vous êtes amené à contester une demande de participation financière ou à refuser de payer l’EHPAD de votre parent, il ne suffit pas d’invoquer un désaccord ou une difficulté : il faut le justifier par des éléments concrets.

Constituer un dossier solide pour prouver votre bonne foi

Rassemblez tous les éléments qui démontrent votre situation :

  • éléments financiers : bulletins de salaire, impôts, charges ; 
  • éléments familiaux : documents judiciaires, attestations, témoignages, échanges écrits ; 
  • chronologie précise des faits : abandons, ruptures, placements, violences, etc.

Plus le dossier est étayé, plus la décision du juge sera favorable.

senior constituer son dossier pour prouver le refus de payer l'EHPAD de ses parents

LIRE AUSSI : Comment prouver la perte du lien familial pour l’obligation alimentaire ?[1]

Contester la demande de participation au paiement de la maison de retraite

Lorsque le parent est hébergé avec une ASH, le Conseil départemental peut demander aux enfants une participation. Si vous estimez que cette demande est injustifiée, vous pouvez contester la notification administrative dans les 2 mois auprès du service social.

Si le refus est maintenu, saisir le JAF pour demander l’exonération.

Le recours est individuel : chaque enfant doit déposer son dossier, avec ses propres justificatifs.

Saisir le juge aux affaires familiales

La saisie du JAF est indispensable si le Département persiste à réclamer une participation ou si un EHPAD engage une procédure de recouvrement.

La procédure est la suivante :

  • dépôt d’une requête au tribunal judiciaire ;
  • présentation du dossier complet ; 
  • audience contradictoire ;
  • décision d’exonération, de réduction ou de maintien.

L’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire mais fortement conseillée, surtout en cas de conflit entre frères et sœurs ou de dossier sensible.

Refuser de payer l’EHPAD de son parent : les limites à connaître

Refuser de payer n’est pas une arme de protestation : c’est une démarche encadrée :

  • on ne peut pas refuser parce que le tarif de l’EHPAD semble « trop cher » ; 
  • l’exonération n’est pas rétroactive : tant qu’aucune décision du juge n’a été rendue, les sommes dues restent exigibles ; 
  • l’EHPAD ne peut pas vous poursuivre directement, mais le Département peut engager une action de recouvrement ; 
  • en cas de mauvaise foi ou d’abstention prolongée, les dettes peuvent être reportées ou récupérées sur succession.

Existe-t-il des aides pour vous permettre de payer l’EHPAD de votre parent âgé ? 

Refuser ou être exonéré de payer pour un parent en EHPAD ne signifie pas le laisser sans solution. Heureusement, plusieurs dispositifs sont disponibles pour prendre le relais et financer l’entrée en maison de retraite médicalisée.

L’APA en établissement

L’APA en EHPAD permet de financer la part « dépendance » du tarif, c’est-à-dire l’aide apportée pour les actes essentiels de la vie quotidienne. Elle est attribuée aux personnes de 60 ans et plus, classées en GIR[3] 1 à 4. Son montant dépend du niveau de dépendance et des revenus de la personne. Elle est versée directement à l’établissement et déduite du coût total.

Cette aide ne dépend ni de la famille, ni des obligés alimentaires. Elle peut donc soulager la facture sans engager les enfants.

Les aides au logement (APL ou ALS)

Les résidents en EHPAD peuvent, selon le statut de l’établissement, bénéficier :

  • soit de l’APL (Aide personnalisée au logement) si l’établissement est conventionné ;
  • soit de l’ALS (Allocation de logement sociale) dans le cas contraire.

Ces aides sont versées par la CAF ou la MSA et calculées selon les ressources du parent et le coût de l’hébergement.

Elles sont indépendantes de la participation familiale et peuvent se cumuler avec l’APA ou l’ASH.

Le recours au patrimoine du parent âgé

Si la personne âgée possède un bien immobilier, sa vente ou sa mise en viager peut permettre de financer les frais d’hébergement sans solliciter les enfants. C’est une option à envisager avec l’aide d’un notaire, pour anticiper la succession et éviter des conflits futurs.

Dans ce cas, il est essentiel de bien évaluer la valeur du bien et les délais de vente, et de prévoir l’impact fiscal éventuel.

Si la personne est sous tutelle[4] ou curatelle[5], la vente nécessite l’autorisation du juge des tutelles[6].

L’utilisation de l’assurance-vie du senior pour financer l’EHPAD

L’assurance-vie peut être un outil souple et efficace pour couvrir tout ou partie des frais d’hébergement en EHPAD, sans solliciter la famille.

Le capital peut être racheté partiellement ou servir à verser une rente viagère au parent, lui assurant des revenus complémentaires réguliers.

Cette solution présente plusieurs avantages :

  • elle permet de préserver la trésorerie immédiate du parent tout en garantissant le paiement de l’établissement ;
  • elle n’impacte pas les enfants, puisqu’il s’agit de fonds propres du parent ;
  • en cas de décès, les bénéficiaires désignés perçoivent le capital restant, dans un cadre fiscal avantageux.

Le recours aux dispositifs d’aide ponctuelle

Certaines collectivités ou caisses de retraite proposent des aides exceptionnelles pour financer temporairement un hébergement en établissement : 

  • l’aide au répit pour financer un hébergement temporaire ;
  • le Fonds de secours des caisses de retraite ; 
  • les aides d’urgence du CCAS[7].

Ces soutiens ponctuels peuvent éviter l’endettement en attendant une décision d’ASH ou une vente de bien. 

Pour connaître les démarches précises et les critères d’éligibilité, consultez notre article « Comment obtenir une aide financière pour EHPAD ? ».

FAQ

Quels faits ou comportements d’un parent peuvent justifier un refus de paiement ?

Des manquements graves comme l’abandon, les violences physiques ou morales, la déchéance de l’autorité parentale ou une absence totale de lien peuvent justifier une exonération.  Le juge s’appuie sur des preuves concrètes (jugements, témoignages, rapports sociaux) pour reconnaître le manquement parental.

Comment prouver qu’on ne peut pas payer l’EHPAD de son parent ?

Il faut démontrer son incapacité financière à l’aide de justificatifs : bulletins de salaire, charges, crédits, enfants à charge, dépenses de santé, reste à vivre. Le juge apprécie la proportion entre vos ressources et la somme demandée, selon l’article 208 du Code civil.

Peut-on être dispensé de payer même si le département a accordé l’aide sociale (ASH) ?

Oui, la participation familiale reste contestable même après attribution de l’ASH si vous prouvez un motif légal d’exonération ou d’incapacité financière. Le JAF peut alors annuler ou réduire la contribution réclamée.

Le refus de payer peut-il être partiel (payer une partie seulement des frais) ?

Oui, le refus peut être total ou partiel selon vos moyens. Le juge peut fixer une contribution réduite, proportionnée à vos revenus et à vos charges.

Quels sont les risques si je refuse sans motif valable ?

Un refus injustifié peut entraîner un recouvrement par le Département, une saisie sur salaire ou sur compte bancaire, voire une dette rétroactive. Ignorer les courriers ou ne pas contester formellement peut aggraver la situation financière et juridique.

Comment contester la décision du juge ou du département si l’on estime le calcul injuste ?

Vous pouvez faire un recours administratif auprès du Conseil départemental ou un appel devant le juge aux affaires familiales dans le mois suivant la décision. Un avocat spécialisé en droit de la famille peut vous aider à constituer un dossier solide et à défendre vos droits.

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