Votre proche âgé vit encore seul chez lui, mais le propriétaire annonce son intention de reprendre le logement. Panique à bord. Est-il vraiment possible d’expulser un locataire de plus de 80 ans ? Quelles sont les protections prévues par la loi ? Que faire en cas de procédure engagée ? Cet article fait le point sur les règles à connaître, les recours possibles et les solutions concrètes pour accompagner un senior menacé d’expulsion, sans précipiter les choses.
Que dit la loi en France sur l’expulsion d’un locataire âgé de plus de 80 ans ?
Même après 80 ans, un locataire peut être expulsé sous conditions. La loi prévoit des protections spécifiques, mais elles ne sont pas automatiques.
Loi Alur : une protection renforcée pour les locataires de plus de 65 ans
La loi Alur, via l’article 15-III de la loi du 6 juillet 1989, renforce la protection des locataires âgés. Si vous avez plus de 65 ans — ou vivez avec une personne de cet âge — et que vos ressources sont modestes, votre bailleur ne peut pas vous donner congé sans vous proposer un relogement adapté.
Vos revenus doivent être inférieurs aux plafonds fixés pour les logements sociaux (ex. : 23 201 € par an pour une personne seule hors Île-de-France en 2025). Ces plafonds varient selon la composition du foyer et la zone géographique.
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Les cas où l’expulsion reste possible malgré l’âge
Certaines situations permettent au propriétaire d’engager cette procédure malgré l’âge avancé du locataire. C’est notamment le cas lorsque ce dernier commet une faute :
- loyers impayés ;
- absence d’assurance habitation ;
- troubles importants du voisinage.
Le bailleur peut aussi reprendre le logement pour y vivre ou le vendre. S’il a lui-même plus de 65 ans ou perçoit des revenus inférieurs aux plafonds fixés, il peut être autorisé à donner congé sans proposer de solution de relogement.

Les obligations du propriétaire en cas d’expulsion d’un senior
Le propriétaire ne peut pas agir comme il l’entend. Il doit respecter des règles strictes, notamment en matière de préavis et de relogement.
Un congé donné dans les règles
Pour expulser un locataire de plus de 80 ans, le bailleur doit respecter un cadre strict. Il doit d’abord notifier le congé au moins six mois avant la fin du bail, par lettre recommandée, acte d’huissier ou remise en main propre contre signature.
Ce congé doit mentionner un motif légitime (reprise du logement, vente, ou motif sérieux) et respecter les conditions prévues par la loi. À défaut, la demande peut être considérée comme nulle par le juge et l’expulsion refusée.
Un relogement adapté proposé par le propriétaire
Lorsqu’il est tenu de reloger un locataire de plus de 80 ans, le propriétaire doit proposer un logement répondant à plusieurs critères :
- le bien doit être décent, c’est-à-dire sans danger pour la santé et avec une performance énergétique minimale ;
- il doit aussi être adapté aux besoins du locataire (état de santé, taille du foyer) et compatible avec ses ressources, afin que le loyer reste accessible ;
- le logement proposé doit se situer à proximité, dans la même commune ou à moins de 5 km.
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Comment se déroule la procédure d’expulsion ?
La procédure passe par plusieurs étapes juridiques. Elle doit toujours être encadrée par un commissaire de justice et validée par un juge.
Les conditions pour qu’un propriétaire puisse entreprendre l’expulsion d’une personne âgée
L’expulsion d’un locataire de plus de 80 ans ne peut se faire que dans un cadre légal strict. Le propriétaire doit impérativement passer par un commissaire de justice, seul habilité à constater les manquements et à lancer la procédure.
Si une clause résolutoire (clause du bail prévoyant la résiliation automatique en cas de non-respect des obligations) est prévue au contrat, un commandement de payer doit d’abord être délivré. En l’absence de clause, une mise en demeure est requise.
Expulsion d’un locataire de plus de 80 ans : Les étapes légales à respecter
Si le locataire ne régularise pas la situation, le bailleur peut alors l’assigner devant le juge des contentieux de la protection. En cas de décision favorable, un commandement de quitter les lieux est délivré.
Si le locataire ne part pas dans les deux mois, le commissaire de justice procède à l’expulsion forcée et rédige un procès-verbal d’intervention. Selon la situation, il peut faire appel à la police, faire intervenir un serrurier ou dresser un inventaire des biens restés sur place, en respectant chaque étape prévue par la loi.
L’expulsion d’un senior en période de trêve hivernale
La trêve hivernale, en vigueur du 1er novembre au 31 mars, suspend temporairement les expulsions. Toutefois, elle ne bloque pas toute procédure : un propriétaire peut saisir le juge pendant cette période. Si une décision d’expulsion est rendue, elle sera simplement reportée à la fin de la trêve.
En revanche, l’expulsion peut avoir lieu immédiatement si un relogement adapté est prévu. Cette exception vise à protéger les personnes âgées tout en permettant au bailleur d’agir en cas de nécessité.
Quelles solutions face au risque d’expulsion d’un proche âgé ?
Face à un risque d’expulsion, il est essentiel d’agir rapidement pour protéger la personne âgée et éviter une rupture brutale.
Aides et dispositifs pour maintenir la personne dans le logement
Plusieurs aides peuvent permettre de stabiliser la situation. Les APL, le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ou encore les aides des CCAS[4] peuvent alléger les charges locatives.
Il est aussi possible d’envisager un portage du bail à un membre de la famille, ou d’adapter le logement pour mieux répondre aux besoins du senior. Ces mesures peuvent rassurer le bailleur et éviter une expulsion.

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Médiation ou relogement accompagné : des pistes à explorer
Quand le maintien dans le logement n’est plus possible, mieux vaut anticiper le départ. Un travailleur social peut intervenir pour organiser un relogement adapté, dans le respect des besoins et des ressources de la personne âgée.
La famille peut aussi jouer un rôle de médiation avec le propriétaire. L’objectif est de trouver une solution humaine et durable, sans recours à une procédure traumatisante.
L’expulsion d’un locataire de plus de 80 ans est encadrée par la loi, mais elle n’est pas impossible. Mieux vaut anticiper, dialoguer avec le propriétaire et chercher des alternatives adaptées. Si vous êtes concerné, faites-vous accompagner rapidement pour trouver une solution alternative de logement.
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