APA et succession : est-elle récupérable ? Ce que paient (ou non) les héritiers ?

APA et succession est-elle récupérable Ce que paient (ou non) les héritiers
Droits et Aides

L’APA accompagne chaque année des milliers de personnes âgées en perte d’autonomie, en finançant une partie des dépenses nécessaires pour vivre à domicile ou en établissement. Mais au moment d’en faire la demande, une inquiétude revient régulièrement : l’APA est-elle remboursable par les enfants ou les héritiers, au moment du décès du bénéficiaire ? La crainte de voir une partie de l’héritage absorbée par un éventuel remboursement est si fréquente qu’elle conduit parfois à renoncer à cette allocation. Cet article vous permet d’y voir plus clair sur ce que l’APA implique réellement pour la succession et ce que les héritiers paient ou ne paient pas. 

L’APA est-elle récupérable sur la succession au décès du bénéficiaire ?

Avant d’examiner les conséquences pour les familles, il est essentiel de rappeler ce que prévoit précisément la loi concernant la récupération de l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) au décès du bénéficiaire.

La règle officielle de remboursement de l’APA

Pour l’APA, la loi est formelle. L’article L.232-19 du Code de l’action sociale et des familles stipule :

« Les sommes servies au titre de l’allocation personnalisée d'autonomie ne font pas l'objet d'un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire. »

Ce principe est strict et s’applique :

  • à l’APA à domicile ;
  • à l’APA en établissement ;
  • quelle que soit la durée du versement ;
  • quel que soit le montant total perçu ;
  • quel que soit le patrimoine laissé au décès.

En clair : les héritiers ne paieront jamais l’APA, même si la succession est importante.

Pourquoi cette règle existe-t-elle dans le cadre de l’APA ?  

Le législateur a voulu faire de l’APA un droit universel, financé par la solidarité nationale, et non une avance récupérable. La dépendance est considérée comme un risque social, comparable à la maladie : elle ne doit pas créer de dette pour la famille.

seniors ayant l'APA et organisant leur succession

Qu’est-ce que cela change concrètement pour les héritiers ? 

Pour les familles, cette règle de non-récupération modifie profondément la manière d’aborder la succession. Concrètement, voici ce que cela implique.

Aucun recours contre la succession

Le département ne peut strictement rien réclamer, même si la personne âgée laisse un bien immobilier ou une épargne importante.

Aucun recours contre les héritiers

L’un des points les plus rassurants pour les familles est qu’aucun héritier, quel qu’il soit, ne peut être sollicité pour rembourser l’APA. Cela concerne à la fois :

  • les enfants ;
  • le conjoint survivant ;
  • les légataires désignés par testament ;
  • et même les petits-enfants, qui ne sont plus considérés comme débiteurs d’obligation alimentaire[2] depuis la réforme du 8 avril 2024.

LIRE AUSSI : APA : comment se passe le remboursement après le décès d’un proche âgé ?

Aucune récupération sur les donations

Si le bénéficiaire de l’APA a réalisé des donations de son vivant, qu’il s’agisse d’un bien immobilier, d’une somme d’argent ou d’un portefeuille d’épargne, ces donations ne peuvent jamais être prises en compte par le département pour récupérer l’APA versée.

Contrairement à d’autres dispositifs d’aide sociale, aucune « reconstitution de patrimoine » n’est autorisée : même si la donation est récente ou porte sur un bien de grande valeur, elle ne peut en aucun cas être visée.

Aucune récupération sur les contrats d’assurance-vie

L’assurance-vie bénéficie également d’une protection totale. Quel que soit le bénéficiaire désigné, enfant, conjoint, ami proche, membre de la famille élargie ou même une association, le capital transmis reste entièrement hors d’atteinte du département.

L’APA n’a aucune incidence sur la validité du contrat, sur le montant transmis ou sur les droits du bénéficiaire.

Aucune hypothèque légale

Contrairement à l’ASH, l’APA ne permet pas au département d’inscrire une hypothèque, de bloquer une vente ou d’exiger une garantie.

Aucun effet en cas de retour à meilleure fortune

Même si les ressources du bénéficiaire augmentent soudainement, le département ne peut jamais exiger le remboursement de l’APA déjà versée.

L’allocation n’est pas considérée comme une avance : elle répond à un besoin de perte d’autonomie à un instant donné, sans créer de dette future.

Ainsi, un retour à meilleure fortune n’entraîne aucune régularisation, aucun calcul rétroactif et aucune demande de remboursement, ce qui renforce la sécurité offerte par l’APA aux familles.

Ne pas confondre l’APA et l’ASH qui, elle, est récupérable sur la succession

Contrairement à l’APA, l’Aide Sociale à l’Hébergement (ASH) fonctionne comme une avance consentie par le département pour permettre à une personne aux ressources modestes de financer son hébergement en établissement.

Et parce qu’il s’agit d’une avance, le Département est autorisé par la loi (art. L.132-8 du CASF) à en récupérer tout ou partie.

Où et comment l’ASH peut-elle être récupérée ? 

Le Département peut récupérer l’ASH, dans un délai maximum de 5 ans, sur les comptes bancaires du défunt, ses biens immobiliers, ses placements financiers, et parfois sur une assurance-vie lorsque celle-ci réintègre la succession.

Récupération sur la succession

Lorsque le bénéficiaire décède, le Département peut récupérer les sommes d’ASH sur l’actif net successoral, c’est-à-dire : actif brut (biens, comptes, immobilier) - dettes du défunt.

Ce principe implique deux éléments importants :

  • seul le patrimoine du défunt est mobilisé, jamais les biens des héritiers. Les enfants, par exemple, ne paient rien de leur poche : ils reçoivent simplement un héritage diminué ;
  • si la succession est inexistante ou déficitaire, aucune récupération n’est possible. Le Département ne peut pas se retourner contre les héritiers pour combler le déficit.

Dans certains cas, la récupération peut absorber la totalité de l’héritage, ce qui laisse aux héritiers un patrimoine nul ou très réduit. Il n’existe pas de seuil plancher : la récupération peut intervenir dès le premier euro d’actif net, une fois les frais d’obsèques déduits.

LIRE AUSSI : Comment savoir si le remboursement sur héritage de l’ASH va affecter la succession familiale ?

Hypothèque possible sur un bien immobilier

Si le bénéficiaire était propriétaire, il est fréquent que le Département prenne une hypothèque sur le logement afin de sécuriser la récupération future. Cela n’empêche pas la vente, mais garantit que le Département sera payé sur le prix de vente.

Récupération en cas de retour à meilleure fortune

Si le bénéficiaire voit ses ressources augmenter de manière significative, par exemple en recevant un héritage, une donation, ou en vendant un bien, le Département est en droit :

  • de réexaminer la situation ;
  • et d’exiger un remboursement partiel ou total de l’ASH déjà versée.

Cette règle vise à éviter que l’ASH finance l’hébergement de quelqu’un qui, par la suite, disposerait de moyens suffisants pour contribuer davantage.

Récupération sur une donation

Si la personne âgée a donné un bien ou une somme d’argent :

  • dans les 10 années précédant la demande d’ASH ;
  • ou après son attribution,

le Département peut engager une récupération dans la limite de la valeur des biens donnés.

Cette règle existe pour éviter qu’une personne se dépouille volontairement avant de demander l’aide sociale.

Cas particulier : récupération limitée pour certaines personnes handicapées

Lorsque le bénéficiaire est une personne en situation de handicap reconnue avant 60 ans, la loi prévoit une protection renforcée. Dans ce cas, aucune récupération n’est possible si les héritiers sont :

  • le conjoint du défunt ;
  • les enfants ;
  • les parents ;
  • ou toute personne ayant assumé une aide régulière et continue.

Cette exception vise à préserver la solidarité familiale qui s’est exercée avant l’entrée en établissement.

senior bénéficiaire de l'ASPA organisant sa succession

APA versus ASH : le tableau qui clarifie tout

« Faut-il rembourser l’argent que le département donne pour les personnes âgées ? » Voici un tableau comparatif simple et lisible

APAASH
Nature de l’aidePrestation destinée à financer la perte d’autonomie à domicile ou en établissementAvance versée par le Département pour financer l’hébergement en EHPAD
Base légaleCode de l’action sociale, Art. L. 232-19Code de l’action sociale – Art. L.132-8
RécupérableNonOui
Succession Jamais touchéePeut-être utilisée pour rembourser
DonationsNon concernéesDonations des 10 dernières années
Retour à meilleur fortuneAucun effetRécupération possible
Assurance vieJamais récupéréeParfois récupérable si elle revient dans la succession

3 exemples de situations fréquentes pour illustrer la récupération sur succession

Rien ne vaut des exemples concrets pour visualiser l’impact réel de l’APA et de l’ASH sur une succession. Voici trois situations que rencontrent très souvent les familles.

1 - APA - Petite succession + assurance-vie : l’APA ne laisse aucune dette

Une personne âgée a perçu l’APA pendant plusieurs années, puis décède en laissant :

  • une petite succession (un compte courant ou quelques économies) ;
  • une assurance-vie de 40 000 €.

Pour l’APA : il n’y a strictement rien à rembourser. Ni la succession, ni l’assurance-vie, ni les bénéficiaires ne peuvent être sollicités.

Pour l’ASH (si elle a été versée) : la situation change. Le département peut décider de récupérer tout ou partie de l’ASH sur la succession, dès le premier euro d’actif net.

 En revanche, les héritiers n’ont pas à payer personnellement : seule leur part d’héritage peut diminuer.

L’assurance-vie est 100 % protégée pour l’APA, mais peut être prise en compte pour l’ASH si le capital retourne dans la succession, dans le cas où il n’y a pas de bénéficiaire désigné, par exemple.

2 - Donation de la maison aux enfants : APA protégée, ASH récupérable

Beaucoup de parents transmettent leur logement à leurs enfants avant d’entrer en EHPAD. Cela soulève souvent une inquiétude :  « le département peut-il récupérer l’aide sur cette donation ? »

Pour l’APA :  Jamais. La maison donnée, même quelques années avant le décès, reste totalement hors d’atteinte.

Pour l’ASH : Oui, potentiellement. Le département peut viser une donation réalisée dans les 10 ans précédant la demande d’aide sociale ou après l’entrée en EHPAD.

La récupération est alors limitée à la valeur du bien donné. C’est l’un des grands points qui différencient APA et ASH.

3 - Retour à meilleure fortune : impact nul pour l’APA, possible pour l’ASH

Il arrive qu’une personne en EHPAD reçoit soudainement une somme d’argent : un héritage, une donation, le produit d’une vente ou même la liquidation d’un placement.

Avec l’APA : aucun effet. Même si la situation financière change, le département ne peut jamais réclamer le remboursement de l’APA déjà versée.

Avec l’ASH : le département peut demander un remboursement total ou partiel. C’est ce qu’on appelle un retour à meilleure fortune : la personne retrouve les moyens de financer son hébergement et peut donc devoir rembourser l’aide reçue.

Conseils pour sécuriser la situation patrimoniale

Quelques bonnes pratiques permettent d’éviter les confusions, surtout si d’autres aides ont été perçues.

Documenter précisément les aides perçues

Pour éviter toute incompréhension lors de la succession, il est utile de conserver une trace claire de toutes les aides reçues, même lorsque celles-ci sont non récupérables. Cela inclut notamment :

  • les notifications d’attribution de l’APA ou d’autres aides ;
  • les relevés de facturation de l’EHPAD ou du service d’aide à domicile[3], indiquant la participation de l’APA ;
  • les courriers du département, surtout si la personne reçoit également l’ASH.

Ces documents faciliteront le travail du notaire et permettront aux héritiers de comprendre précisément ce qui peut, ou non, être récupéré.

Se faire accompagner par les bons interlocuteurs

Certaines situations patrimoniales peuvent être complexes, surtout en cas de cumul d’aides ou de donations. Dans ce contexte, trois types de professionnels peuvent être particulièrement utiles :

  • le notaire, pour organiser la transmission du patrimoine, vérifier les impacts éventuels de l’ASH et conseiller sur les donations, testaments ou successions anticipées ;
  • le conseiller en gestion de patrimoine, capable d’optimiser l’organisation financière (assurance-vie, démembrement de propriété, clauses bénéficiaires…) ;
  • l’assistant social du CCAS[4], de l’EHPAD ou du département, qui peut expliquer les règles de récupération, les seuils appliqués localement et éviter les mauvaises surprises.

Un accompagnement en amont permet souvent de sécuriser des situations qui s’annonçaient complexes.

FAQ 

L’APA est-elle récupérable au décès ?

Non, l’APA n’est jamais récupérable, ni sur la succession, ni sur les héritiers, ni sur une donation. C’est l’un des principes fondamentaux de cette allocation.

Le département peut-il réclamer l’APA sur une assurance-vie ?

Non. Quel que soit le bénéficiaire, l’assurance-vie reste totalement protégée. L’APA n’ouvre droit à aucune récupération, même indirecte.

L’ASH est-elle récupérable ?

Oui. Le département peut récupérer l’ASH :

  • sur l’actif net de la succession ;
  • sur certaines donations ;
  • en cas de retour à meilleure fortune du vivant du bénéficiaire.

Les modalités exactes dépendent des règles locales du département.

Une donation peut-elle être visée ?

  • APA : jamais, aucune donation ne peut être concernée ;
  • ASH : oui, les donations des 10 dernières années, ainsi que celles faites après l’entrée en établissement, peuvent être récupérées dans la limite de leur valeur.

Les petits-enfants ont-ils encore une obligation alimentaire[2] ?

Non. Depuis la réforme entrée en vigueur le 8 avril 2024, les petits-enfants ne sont plus tenus d’aider financièrement leurs grands-parents au titre de l’obligation alimentaire[2]. Cela signifie qu’ils ne peuvent plus être sollicités, ni pour financer l’EHPAD, ni pour rembourser une aide sociale, y compris l’ASH.

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