APA, AJPA, ASH : que peuvent espérer les aidants déjà à la retraite ?

APA, AJPA, ASH : que peuvent espérer les aidants déjà à la retraite ?
Droits et Aides

En France, plus de 11 millions de personnes accompagnent au quotidien un proche en perte d'autonomie. Parmi elles, une proportion importante a déjà franchi le cap de la retraite. Ces aidants d'un nouveau genre jonglent entre leur propre vieillissement et l'accompagnement d'un conjoint, d'un parent ou d'un proche devenu dépendant. Cette situation particulière soulève des questions cruciales : quels dispositifs d'aide peuvent réellement bénéficier aux aidants déjà retraités ? Comment s'articulent l'APA, l'AJPA et l'ASH avec leur statut spécifique ? Entre exclusions et opportunités, le paysage des aides révèle des réalités contrastées qu'il convient de décrypter.

Le profil particulier des aidants retraités

Cette catégorie d’aidants se distingue par ses spécificités, tant sur le plan du parcours de vie que dans l’accès aux droits et aides.

Portrait d'une population croissante

Les aidants retraités représentent une catégorie spécifique au sein de la communauté des aidants familiaux. Il s'agit généralement de conjoints âgés accompagnant leur partenaire, d'enfants retraités s'occupant de leurs parents très âgés, ou encore de personnes ayant cessé leur activité professionnelle pour se consacrer à l'aide.

Contrairement aux aidants actifs, ils ne peuvent plus prétendre à certains dispositifs de compensation liés à l'activité professionnelle. Leur situation financière, souvent plus fragile avec des revenus fixes, les place dans une position particulière face aux différents mécanismes d'aide existants.

Aidant qui est un conjoint âgé accompagnant sa partenaire

Droits acquis avant la retraite : un capital à préserver

Avant d'examiner les dispositifs actuels, rappelons les droits que les aidants ont pu acquérir durant leur période d'activité. L'Assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) a permis à certains aidants de valider des trimestres de retraite tout en accompagnant un proche dépendant.

La majoration de trimestres pour aidant familial constitue un acquis important, permettant une retraite à taux plein malgré les interruptions d'activité. Ces dispositifs, bien qu’antérieurs à la retraite, continuent d'impacter positivement le montant des pensions.

L'AJPA : une aide qui exclut les retraités

Bien que conçue pour soutenir les proches aidants, cette allocation présente une limite importante pour ceux ayant déjà quitté la vie active.

Comprendre l'Allocation journalière du proche aidant

L'AJPA vise à compenser la perte de revenus des personnes qui interrompent temporairement leur activité professionnelle pour accompagner un proche en situation de handicap ou de perte d'autonomie. Cette allocation peut atteindre 65,80 €  euros par jour pour une personne seule, dans la limite de 66 jours par période de trois ans.

Le dispositif s'adresse exclusivement aux actifs : salariés, travailleurs indépendants, demandeurs d'emploi indemnisés ou encore agents publics. Cette restriction constitue la première limite majeure pour les aidants retraités.

Pourquoi cette exclusion ?

L'exclusion des retraités de l'AJPA s'explique par la logique même du dispositif : compenser une perte de revenus d'activité. Les retraités, percevant déjà leur pension, ne subissent théoriquement pas de manque à gagner lié à l'arrêt d'une activité professionnelle.

Une exception existe toutefois pour les retraités en situation de cumul emploi-retraite qui réduisent ou cessent leur activité complémentaire. Dans ce cas précis, ils peuvent prétendre à l'AJPA sous certaines conditions. Par ailleurs, le dispositif interdit explicitement le cumul entre l'AJPA et une rémunération versée dans le cadre de l'APA, créant une incompatibilité supplémentaire.

L'APA : une opportunité de rémunération pour les aidants retraités

Contrairement à d’autres dispositifs, l’APA permet aux aidants retraités de percevoir une rémunération pour leur engagement auprès d’un proche.

Le fonctionnement de l'Allocation personnalisée d'autonomie

L'APA constitue l'aide principale destinée aux personnes âgées de 60 ans et plus en perte d'autonomie, classées en GIR[3] 1 à 4. Cette allocation finance un plan d'aide personnalisé qui peut inclure des heures d'aide à domicile, des équipements spécifiques ou des solutions de répit[4].

Le montant de l'APA varie selon le niveau de dépendance[5] et les ressources de la personne aidée. Elle peut financer jusqu'à plusieurs milliers d'euros d'aide mensuelle selon les situations.

Rémunération de l'aidant via l'APA

Contrairement à l'AJPA, l'APA offre une possibilité réelle de rémunération pour les aidants retraités. La personne âgée bénéficiaire peut utiliser son allocation pour rémunérer un membre de sa famille, y compris un aidant retraité.

Cette rémunération s'effectue généralement via le CESU (Chèque emploi service universel) ou un contrat de travail classique. Le proche aidant devient alors salarié de la personne dépendante, avec les droits sociaux afférents. Une restriction importante demeure : les conjoints, concubins et partenaires pacsés ne peuvent généralement pas être rémunérés, sauf dans des situations exceptionnelles dûment justifiées auprès du conseil départemental.

Solutions de répit financées par l'APA

L'APA peut financer diverses solutions de répit bénéficiant indirectement aux aidants retraités :

  • Accueil de jour permettant quelques heures de répit hebdomadaires
  • Hébergement temporaire pour des séjours de quelques jours à quelques semaines
  • Services de "baluchonnage" avec intervention d'un professionnel au domicile
  • Aide à domicile[4] de nuit pour les situations les plus lourdes
  • Garde itinérante pour des sorties ponctuelles

Ces solutions, financées totalement ou partiellement par l'APA, offrent aux aidants retraités des moments de récupération indispensables à leur propre bien-être.

L'ASH : un dispositif aux implications familiales

Ce dispositif d’aide financière peut à la fois soulager le budget des familles et engager des obligations financières pour les proches.

L'Aide sociale à l'hébergement expliquée

L'ASH prend en charge tout ou partie des frais d'hébergement en établissement pour les personnes âgées aux ressources insuffisantes. Cette aide, gérée par les conseils départementaux, intervient quand les revenus de la personne âgée ne couvrent pas les coûts de l'EHPAD[1]. La procédure implique une évaluation complète des ressources du demandeur et de sa famille, car l'ASH fonctionne selon le principe de l'obligation alimentaire[6].

Impact sur les aidants retraités

Les aidants retraités peuvent se trouver dans deux situations vis-à-vis de l'ASH. D'abord comme "obligés alimentaires" : enfants, gendres, belles-filles peuvent être sollicités pour contribuer financièrement selon leurs moyens. Cette obligation peut représenter une charge supplémentaire non négligeable sur des revenus de retraite souvent modestes.

Ensuite, les aidants retraités peuvent eux-mêmes devenir bénéficiaires de l'ASH si leur propre situation nécessite un hébergement en établissement. Dans ce cas, leurs propres enfants deviennent à leur tour obligés alimentaires.

Aidant retraité qui se retrouve obligé alimentaire

Dispositifs complémentaires et accompagnement

Au-delà des aides principales, d’autres solutions existent pour améliorer le quotidien et le bien-être des aidants retraités.

Solutions de répit et soutien psychologique

Au-delà des trois dispositifs principaux, les aidants retraités peuvent accéder à diverses formes d'accompagnement. Les plateformes de répit se développent sur tout le territoire, offrant information, soutien et coordination des aides.

La stratégie nationale pour les aidants 2024-2027 prévoit la création de nouvelles places d'accueil temporaire et le développement de plateformes uniques d'information. Ces évolutions bénéficieront directement aux aidants retraités.

Démarches et points de contact

Pour optimiser leurs droits, les aidants retraités peuvent s'adresser à plusieurs interlocuteurs :

  1. Le conseil départemental pour l'APA et l'ASH
  2. La CAF ou la MSA selon le régime de protection sociale
  3. Les points d'information locaux pour les aidants
  4. Les CLIC[7] (Centres locaux d'information et de coordination)
  5. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)

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Autres droits sociaux

Les aidants retraités veufs peuvent prétendre à la pension de réversion sous certaines conditions de ressources et de durée de mariage. Cette aide peut considérablement améliorer leur situation financière. D'autres aides locales ou nationales peuvent compléter le dispositif selon les situations particulières : aide au logement[8], complémentaire santé solidaire, ou aides exceptionnelles des collectivités. Les aidants retraités évoluent dans un paysage d'aides complexe où les exclusions côtoient les opportunités.

Si l'AJPA leur reste fermée, l'APA peut offrir des solutions de rémunération ou de répit appréciables. L'ASH, quant à elle, les concerne souvent indirectement mais avec des implications financières réelles. Cette réalité invite à une anticipation et une information renforcées pour optimiser l'accompagnement de cette population d'aidants aux besoins spécifiques.

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