Curatelle renforcée et placement en EHPAD : qui décide ? 

Curatelle renforcée et placement en EHPAD : qui décide ? 
Droits et Aides

Quand un parent est sous curatelle renforcée[1], la question de l’entrée en EHPAD soulève immédiatement une inquiétude : qui décide vraiment ? La personne elle-même, le curateur, les enfants, ou le juge ? Les règles juridiques ne sont pas toujours claires, et les familles comme les curateurs peuvent se retrouver démunis face à des décisions urgentes. Ce guide vous aide à y voir clair, étape par étape : qui choisit le lieu de vie, quand le juge intervient-il, qui signe le contrat de séjour[2], et comment prouver et sécuriser chaque décision ? Un outil simple et concret pour accompagner au mieux un proche protégé.

Curatelle[1] renforcée : rappel sur le cadre légal de cette mesure de protection

Avant de comprendre qui décide d’une entrée en EHPAD, il est essentiel de rappeler ce qu’implique réellement la curatelle[1] renforcée : une mesure de protection qui laisse à la personne âgée des droits importants, notamment pour ses choix personnels.

La curatelle[1] renforcée : une mesure d’assistance, pas de représentation par défaut

L’article 440 alinéa 1 précise que la curatelle[1] s’adresse aux personnes qui, « sans être hors d’état d’agir elles-mêmes, ont besoin d’être assistées ou contrôlées d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile ».

Dans toutes les démarches liées à un placement en EHPAD, il est essentiel de garder en tête la différence entre curatelle[1] simple et curatelle[1] renforcée.

Senior éligible à la curatelle avec sa tutrice

Curatelle[1] simple

La curatelle[1] simple est régie notamment par les articles 467 et 468 du Code civil.

Elle implique que la personne protégée :

  • accomplit seule les actes de gestion courante ;
  • doit être assistée de son curateur pour les actes de disposition tels que la vente ou l’achat d’un bien immobilier, la contraction d’un emprunt ou encore la souscription à un contrat d’assurance-vie ;
  • conserve la pleine maîtrise de ses droits personnels concernant la santé, les relations familiales ou encore le choix du lieu de vie.

En clair, la curatelle[1] simple laisse une grande autonomie, avec une vérification pour les actes risqués ou engageant le patrimoine.

Curatelle[1] renforcée

La curatelle[1] renforcée est expressément prévue par l’article 472 du Code civil. Elle ajoute des missions spécifiques au curateur, tout en laissant à la personne protégée sa capacité de décider pour elle-même dans les actes personnels.

Elle se caractérise par :

  • la perception par le curateur des revenus de la personne ;
  • la gestion directe par le curateur de ses dépenses et du paiement des charges ;
  • une assistance renforcée dans tous les actes importants ;
  • le maintien des droits personnels du majeur : consentement aux soins, choix de vie, relations personnelles.

Cette forme de curatelle[1] est souvent choisie lorsque la personne majeure a du mal à gérer ses comptes bancaires.

Le choix du lieu de vie sous curatelle[1] renforcée 

L’article 459-2 du Code civil précise que « La personne protégée choisit le lieu de sa résidence. (…) En cas de difficulté, le juge ou le conseil de famille, s'il a été constitué, statue. ».

Concrètement, en curatelle[1] renforcée, par principe, c’est le majeur protégé qui choisit son lieu de vie. En cas de conflit ou de difficulté, par exemple, un désaccord entre le majeur, le curateur, la famille, c’est le juge des contentieux de la protection qui tranche, après avoir entendu la personne et, le plus souvent, la famille et le curateur.

Placement en EHPAD : qui décide, étape par étape ? 

Le processus d’admission en EHPAD suit toujours un ordre précis, qui dépend de la capacité de la personne à exprimer sa volonté, de l’accord du curateur et, parfois, de l’intervention du juge. 

Cas 1 - La personne est d’accord : simple admission et signature avec assistance du curateur

Lorsque la personne sous curatelle[1] renforcée exprime clairement son accord pour entrer en EHPAD, la démarche est simple. 

Le choix du lieu de vie vient d’elle : le rôle du curateur est alors d’accompagner, de sécuriser et d’organiser la transition. Le projet est discuté, les besoins sont évalués, et chacun vérifie que l’établissement choisi correspond réellement à la situation de la personne tant sur le plan médical que financier.

L’entrée en EHPAD se concrétise ensuite par la préparation du contrat de séjour[2]. Dans ce cas, la signature se fait à deux : la personne signe parce que c’est son choix, et le curateur signe également pour l’assister, conformément à la logique de la curatelle[1] renforcée. C’est la configuration la plus simple : aucune intervention du juge n’est nécessaire, et la décision est juridiquement solide puisqu’elle repose sur la volonté librement exprimée du majeur protégé.

Cas 2 - Désaccord entre la famille, le curateur et le majeur protégé : saisine et décision motivée du juge des contentieux et de la protection

Les choses se compliquent lorsque la personne refuse d’entrer en EHPAD alors que la famille ou le curateur jugent ce maintien à domicile[4] dangereux, ou lorsque c’est l’inverse, la personne souhaite l’entrée en établissement, mais le curateur s’y oppose pour des raisons financières ou organisationnelles.

C’est alors le juge des contentieux de la protection qui doit intervenir : 

  • il examine la situation ; 
  • entend le majeur ; 
  • analyse la cohérence des propositions ;
  • évalue la capacité réelle du proche à exprimer une volonté éclairée. 

Le juge ne se contente pas d’arbitrer un conflit familial : il rend une décision motivée, qui doit refléter l’intérêt de la personne protégée. 

LIRE AUSSI : Quels sont les droits de la famille en cas de curatelle renforcée ?[1]

Cas 3 - Volonté inexprimée ou urgence : autorisation systématique du juge

Il existe enfin des situations où la personne n’est plus en mesure d’exprimer une décision claire parce qu’elle souffre de troubles cognitifs avancés ou d’une altération majeure du discernement. Il peut également s’agir d’une situation d’urgence où un retour à domicile est impossible, après une chute grave, un état de dénutrition[5] ou encore d’une hospitalisation suivie d’une contre-indication médicale au maintien à domicile[4].

Dans ces circonstances, la loi prévoit un mécanisme spécifique : le juge peut autoriser le curateur, sur le fondement de l’article 472 du Code civil, à conclure seul la convention d’hébergement.

La décision judiciaire permet alors d’organiser rapidement l’admission en EHPAD et de signer le contrat même si la personne n’est plus en état de le faire.

Quelles différences entre admission et consentement aux soins ? 

Entrer en EHPAD ne signifie pas accepter tous les soins : l’hébergement et la décision médicale relèvent de deux cadres juridiques distincts. Comprendre cette différence et ce qu’il en est des droits médicaux sous curatelle renforcée[1] est indispensable pour protéger le senior.

Le contrat d’hébergement versus le consentement aux soins 

Il est essentiel de distinguer :

  • le contrat de séjour[2] ou la convention d’hébergement en EHPAD qui relève du Code de l’action sociale et des familles (CASF). Il fixe les conditions de vie au sein de l’EHPAD ; 
  • le consentement aux soins médicaux qui relève du Code de la santé publique, notamment l’article L1111-4, qui stipule qu’aucun acte médical ou traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne.

Cela signifie que le senior peut être d’accord pour aller en EHPAD, mais refuser un traitement. L’inverse étant vrai aussi.

Sous protection, la personne âgée conserve en principe son consentement aux soins

Si la personne protégée est apte à exprimer sa volonté, son consentement aux soins doit être recherché en priorité, au besoin avec l’assistance du curateur

La mesure de protection qu’il s’agisse d’une curatelle ou d’une mise sous tutelle[6][1] ne retire pas automatiquement le droit de décider pour sa santé.

Le juge peut, dans des cas graves, décider que le consentement sera donné par le tuteur ou le curateur, si la personne n’est plus en état de décider.

Le contrat de séjour[2] : qui signe, à quel moment et quels sont les risques en cas de retard ?

Le contrat de séjour[2] est le document central qui encadre l’hébergement en EHPAD. Sa signature, ses délais et les responsabilités de chacun doivent être parfaitement clairs pour éviter toute contestation future.

Quels sont les délais de remise et de signature du contrat de séjour[2]

Le Code de l’action sociale et des familles, via l’article D311, exige que le contrat de séjour[2] ou le document individuel de prise en charge soit : 

  • établi lors de l’admission
  • remis à la personne, et le cas échéant, à son représentant légal, au plus tard dans les 15 jours suivant l’entrée ; 
  • signé dans le mois qui suit l’admission par la personne âgée accueillie ou par le curateur, sous réserve de l’autorisation du juge des contentieux et de la protection.

La personne âgée ou son curateur peuvent exercer par écrit un droit de rétractation dans les 15 jours qui suivent la signature du contrat sans avoir à respecter un délai de préavis.

Senior qui signe le contrat de séjour

Retard ou non-signature du contrat de séjour[2] en EHPAD : quelles conséquences pour le majeur sous curatelle[1] renforcée ? 

Un retard de signature n’empêche pas l’hébergement du senior, mais il crée une zone floue. Sans contrat signé, les règles exactes de l’hébergement telles que les tarifs, les prestations, la facturation ou encore les conditions de résiliation, ne sont pas clairement fixées. Cela peut entraîner des malentendus ou des contestations plus tard, notamment si la famille a des doutes sur les coûts ou les décisions du curateur.

Pour le curateur, l’absence de signature est également problématique : il doit prouver que les dépenses engagées sont justifiées et conformes à l’intérêt de la personne protégée. Un contrat signé dans les délais sécurise sa gestion et évite toute critique ultérieure.

Si la signature est impossible, il ne faut pas laisser la situation traîner. Le juge des contentieux de la protection peut être saisi pour autoriser l’admission ou permettre au curateur de signer seul, conformément à l’article 472 du Code civil.

FAQ

Une personne sous curatelle[1] peut-elle refuser l’entrée en EHPAD ?

Oui, en principe. En application de l’article 459-2, la personne protégée choisit son lieu de résidence. Si elle refuse l’EHPAD, on ne peut pas la contraindre par la seule volonté du curateur ou des enfants. En cas de désaccord, il faut saisir le juge des contentieux de la protection, qui décidera s’il y a lieu ou non de prononcer un placement en EHPAD, en motivant sa décision.

Le curateur peut-il signer seul le contrat d’hébergement ?

Oui, mais uniquement sur autorisation du juge.

L’article 472 du Code civil permet au juge d’autoriser le curateur à conclure seul une convention d’hébergement assurant le logement du majeur protégé, notamment en cas d’urgence, quand la volonté de la personne est inexprimable ou lorsque le juge estime que le majeur n’a plus la capacité de consentir à son lieu de vie.

Qui donne le consentement aux soins en EHPAD ?

En principe, c’est toujours la personne elle-même qui donne son consentement aux soins, même sous curatelle[1] renforcée, conformément à l’article L1111-4 du Code de la santé publique

Si elle n’est plus apte à le faire, le médecin consulte la personne de confiance, la famille ou le représentant légal, mais le décideur final reste le professionnel de santé, dans le cadre de la loi, en tenant compte de l’intérêt du patient.

Faut-il l’accord des enfants pour le placement en EHPAD ?

Non, juridiquement l’accord des enfants n’est pas une condition de validité du placement en EHPAD. La volonté de la personne sous curatelle[1] renforcée prime, et à défaut ou en cas de conflit, c’est le juge qui décide, non les enfants.

Quand saisir le juge pour le placement en EHPAD d’une personne sous curatelle[1] renforcée ?

Vous devriez envisager de saisir le juge des contentieux de la protection si : 

  • il existe un désaccord entre le majeur protégé et le curateur ou la famille du majeur et le curateur sur le placement en EHPAD ou le choix de l’établissement.
  • la personne est dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté ;
  • il y a urgence ou mise à l’abri ;
  • le curateur a besoin d’une autorisation expresse pour signer seul la convention d’hébergement.

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