Peut-on continuer à lire quand on a Alzheimer ?

Peut-on continuer à lire quand on a Alzheimer ?
EHPAD Alzheimer

La maladie d'Alzheimer effrite, peu à peu, les repères du quotidien. Pourtant, au cœur de cette tempête cognitive, la lecture tient bon. Chez de nombreuses personnes atteintes, la capacité à lire et à comprendre un texte demeure étonnamment stable, parfois jusqu'à des stades avancés. Un livre entre les mains, des lignes familières, une histoire qui s'égrène page après page : le plaisir de lire perdure, même lorsque la mémoire immédiate vacille.

Ce phénomène s'explique. Les personnes ayant lu régulièrement tout au long de leur vie conservent plus longtemps ce savoir-faire. La lecture s'enracine dans le cerveau comme une habitude ancienne, résistante à l'érosion progressive des souvenirs. Dans cet article, nous vous expliquons comment la lecture peut devenir un outil pour stimuler, apaiser et valoriser les personnes atteintes d'Alzheimer.

Les difficultés : mémoire, attention, frustration

Lire avec Alzheimer, ce n'est pas lire comme avant. Rapidement, la mémoire à court terme s'essouffle. Oublier ce qui vient d'être lu devient la norme[2]. Les mêmes pages reviennent sans cesse, la progression s'arrête. Un sentiment d'inachevé s'installe. Parfois l'angoisse, la frustration, face à cet oubli qui s'impose, page après page.

Certains gardent le réflexe de feuilleter, de toucher, de manipuler le livre. Ce geste procure un apaisement, une sécurité, même si le texte n'est plus vraiment compris. D'autres lisent à voix haute, répètent, s'accrochent à quelques mots, une phrase, un titre. C'est la présence du livre, plus que son contenu, qui rassure.

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Senior rassurée entrain de feuilleter un livre

Adapter la lecture : supports, contenus, rythmes

Quand la maladie progresse, s'obstiner à lire des romans complexes ou des journaux d'actualité n'a plus beaucoup de sens. L'adaptation devient la règle. Livres jeunesse ? Oui, pour la taille des caractères, la simplicité des histoires, la prise en main aisée. Mais l'univers de l'enfance d'aujourd'hui n'évoque pas toujours de souvenirs, ni d'intérêt.

Une alternative intéressante  : retrouver d'anciens albums, des livres d'école ou des contes d'antan qui faisaient partie du monde de la personne malade. Ces ouvrages, parfois oubliés dans une bibliothèque familiale, réveillent des souvenirs enfouis, facilitent l'échange avec les petits-enfants, et ramènent un sourire.

Aujourd'hui, des éditeurs proposent des livres conçus pour les troubles cognitifs. Grands caractères, images évocatrices, sujets familiers  : tout est pensé pour que le plaisir de lire ne s'évapore pas. Les thèmes choisis célèbrent la vie quotidienne, les moments heureux, valorisent l'expérience des aînés.

Le concept « Mon livre, ma friandise »

Un exemple marquant, le concept Mon livre, ma friandise. 21 histoires indépendantes, une par page. Pas de table des matières, pas de numérotation, pour éviter la confusion. Chaque histoire se termine par une mention explicite  : Fin de l'histoire. À côté du texte, une photo, pour stimuler le langage, susciter une réaction, raviver une émotion fugace.

Objectif  : éviter la frustration de l'oubli, permettre à chacun d'aller à son rythme, savourer un récit court, sans inquiétude. Les histoires sont simples, parfois drôles, profondément humaines. La personne malade peut relire sans se lasser. Si la lecture devient trop difficile, un proche prend le relais, lit à voix haute, observe les réactions, partage ce moment suspendu.

Lecture et stimulation cognitive : l'alliance subtile

Lire, ce n'est pas seulement occuper le temps. C'est entretenir la mémoire, la stimuler, la réveiller, même brièvement. La plasticité cérébrale n'est jamais totalement perdue. Raconter une histoire, reformuler un passage, commenter une image : autant d'occasions de faire travailler les réseaux de la mémoire, d'ancrer un souvenir, de maintenir la curiosité intacte.

Le cerveau, même malade, apprécie la nouveauté. Découvrir un récit inconnu, apprendre un mot, mémoriser une anecdote, ou tout simplement échanger avec un proche autour d'un livre, tout cela contribue à renforcer les circuits existants. La lecture régulière, même adaptée, fait partie des stratégies reconnues pour ralentir le déclin cognitif.

Créer un environnement propice à la lecture

  • Lumière douce, fauteuil confortable, calme  : chaque détail compte pour favoriser la concentration.
  • Préférer des livres légers, faciles à manipuler.
  • Alterner textes courts et images pour ménager les forces, éviter la fatigue.
  • S'appuyer sur le rituel : lire chaque jour à la même heure, dans le même endroit.
  • Prendre le temps, ne pas forcer la personne à finir une histoire, respecter son rythme.

Lecture accompagnée : le rôle-clé des proches

Lorsque les mots s'effacent, la présence d'un aidant fait toute la différence. Lire à voix haute, choisir un article de journal adapté, feuilleter ensemble un album photo  : autant d'occasions de créer du lien, de partager des émotions. L'important n'est plus la compréhension intégrale du texte, mais le plaisir de vivre un moment ensemble, de susciter un sourire, un regard, un mot.

Ces instants de lecture partagée apaisent, restaurent la confiance, et, parfois, raniment la conversation autour d'un souvenir, d'une anecdote. L'aidant repère les signes positifs  : sourire, bonne humeur, émerveillement, attention soutenue. La lecture devient alors un fil, ténu mais solide, entre la personne malade et son entourage.

Senior qui profite d'une lecture accompagnée

Lecture, mémoire et hygiène de vie : l'équation gagnante

La lecture ne suffit pas à elle seule. Tout un mode de vie soutient la mémoire  : alimentation riche en oméga-3, sommeil réparateur, activité physique régulière, gestion du stress. Les interactions sociales, les échanges, les jeux de société, la musique, complètent ce travail de stimulation.

Varier les supports, introduire de la nouveauté, encourager la répétition espacée : ces stratégies multiplient les chances de préserver un peu plus longtemps la capacité à lire, à comprendre, à profiter du monde des livres.

LIRE AUSSI : Comment distraire une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ? 

FAQ pratique : lecture et Alzheimer

Quels types de livres privilégier ? 

Livres à gros caractères, histoires courtes, albums illustrés, livres adaptés aux troubles cognitifs, anciens ouvrages ayant un lien affectif.

La personne oublie ce qu'elle lit. Cela a-t-il un sens de continuer ? 

Oui. Le plaisir et l'apaisement procurés par la lecture existent, même si le souvenir s'efface vite. L'instant compte plus que la mémoire à long terme.

Peut-on lire à voix haute à une personne qui ne lit plus seule ? 

Absolument. C'est même recommandé, pour maintenir le lien, stimuler la mémoire auditive et partager un moment agréable.

Où trouver des livres adaptés ? 

Certaines maisons d'édition spécialisées, librairies avec un rayon « grande facilité de lecture », et sites dédiés comme Mon livre, ma friandise.

La lecture peut-elle ralentir le déclin cognitif ? 

Elle contribue à entretenir la mémoire, mais doit s'intégrer à un ensemble d'activités stimulantes et à une bonne hygiène de vie.

Ressources utiles

  • Fondation Alzheimer - conseils et guides pratiques
  • Association France Alzheimer - ateliers mémoire, groupes de parole
  • Librairies spécialisées en livres à gros caractères
  • Sites d'éditeurs spécialisés en lecture adaptée

Lecture et Alzheimer : préserver la lumière

La maladie d'Alzheimer ronge les souvenirs, mais la lecture reste souvent une île préservée. Savoir adapter les supports, respecter le rythme, privilégier la simplicité, c'est offrir la possibilité de savourer encore, ne serait-ce qu'un instant, la magie des mots. Lire, relire, écouter, raconter : autant de gestes simples pour maintenir la flamme, malgré la brume de l'oubli.

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